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Le Ritalin n'est plus la marque la plus prescrite...
Les hommes prennent plus de médicaments contre le TDAH
Un nombre croissant d'adultes prennent des médicaments pour le TDAH

TDAH : Les prescriptions ont doublé en 5 ans

Les services reliés à une nouvelle ordonnance pour les médicaments servant à traiter le trouble de déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) sont passés de moins de 400 000 en 2011 à plus de 830 000 en 2016. Alors qu’environ 46 000 distinctes avaient une ordonnance en 2011, on en comptait plus de 82 000 cinq ans plus tard, d’après les chiffres de la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ). Quant aux montant du paiement de la RAMQ, il est passé d’environ 28 millions $ à 52 millions $, une hausse de 84 %.

 Hausse d'environ 50 % des nouvelles ordonnances chez les jeunes

Au Québec, «chez les moins de 20 ans, la prévalence des troubles mentaux est passée du simple au double», des années 2000 à 2010, observe une publication de l’Institut national de santé publique du Québec. Mais encore, cette hausse de la prévalence s’expliquerait notamment par la hausse des diagnostics du  trouble de déficit de l’attention et hyperactivité.

 

Plusieurs chiffres circulent quant à la prévalence du TDAH. «À noter que l’estimation de la prévalence du TDAH chez les enfants d’âge scolaire varie considérablement selon les études, soit de 2 % à 12 %», indique un bulletin de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). La prévalence serait aux alentours de 5 % chez les enfants.

 

La prévalence du TDAH chez l’enfant se situe «entre 5-10 %», confirme Ridha Joober, médecin psychiatre. Selon Annick Vincent, médecin psychiatre, la prévalence du TDAH est «relativement stable au niveau de la présence du déficit d’attention». «Ce qu’on voit qui monte c’est la prévalence du traitement», indique-t-elle.

 

Chez les Canadiens âgés de 6 à 14 ans, les médicaments sur ordonnance les plus consommés sont ceux pour le TDAH, d’après Statistique Canada. D’après les données de la RAMQ, le nombre de services reliés à des nouvelles ordonnances a cru de plus de 50 % entre 2011 et 2016 chez les Québécois âgés de 0 à 17 ans. Le nombre d’entre eux ayant une ordonnance a augmenté d’environ un quart durant cette période.

 

«Même s’il y a une augmentation, on n’identifie pas tous les cas et on ne traite pas tous les cas de TDAH», commente M. Joober, rencontré à son bureau à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Selon lui, malgré la progression des ordonnances, «il y a beaucoup plus de personnes qui devraient être traitées et qui ne le sont probablement pas». À noter que le traitement n’est pas uniquement médicamenteux.

L'INESSS se penche sur le traitement du TDAH

Plusieurs rapports en lien avec le traitement du TDAH seront publiés prochainement par l’Institut national d’excellence et en services sociaux (INESSS). La mission de cet organisme public de promouvoir l’excellence clinique et l’utilisation efficace des ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux au Québec.

 

Trois portraits d'usage sur le TDAH seront publiés durant l'été, a indiqué par écrit Olivia Jacques, conseillère en communications de l’Institut. «Un portant sur l'usage des médicaments au Québec, un comparant l'usage du médicament au Québec avec les autres provinces canadiennes et un sur les services psychosociaux utilisés dans le traitement du TDAH chez les personnes de 25 ans et moins.» De plus, un rapport sur «une trajectoire optimale de services psychosociaux pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes avec un TDAH» devrait être publié en décembre 2017. À ce moment, «d'autres travaux en usage optimal du médicament seront potentiellement publiés» également.

 

Mentionnons que le Collège des médecins du Québec avait effectué des démarches auprès du ministère de la Santé afin que l'INESSS effectue «une étude sur la prescription du Ritalin afin de pouvoir analyser l'impact de la prescription de ce médicament». Ces démarches avaient été effectuées entre 2015 et 2016, d’après les informations consignées au Registre des lobbyistes.

Comme le fait remarquer, la psychiatre Annick Vincent, la prévalence ne se mesure pas par le nombre de personnes qui prennent des médicaments, mais par le nombre de personne ayant réellement un TDAH. Cela étant dit, le TDAH passe plus souvent inaperçu chez les personnes de sexe féminin que masculin. Le psychiatre Ridha Joober abonde dans le même sens, expliquant qu’en général les filles présentent davantage de symptômes d’inattention et moins de symptômes d’hyperactivité. «Si vous avez quelqu’un qui est tranquille au fond de la classe, qui n’est pas en train de suivre le cours et qui est lunatique, on ne va pas le voir aussi bien qu’un jeune garçon qui bouge tout le temps, qui n’arrête pas de déranger les autres, qui n’arrête pas de parler. (…) Et donc ce sont les garçons qui sont plus faciles à identifier et plus faciles à référer.» Cela étant dit, «dans les études épidémiologiques, c’est-à-dire indépendamment du traitement, on estime qu’il y a autant de garçons que de filles qui ont le TDAH». 

Selon Annick Vincent, médecin psychiatre qui exerce à la Clinique Focus, plusieurs hypothèses pourraient expliquer la hausse des prescriptions. «On est peut-être plus alerte au fait que le déficit d’attention a des impacts et que ça vaut la peine de le dépister et de le traiter», avance-t-elle, rejointe par téléphone De plus, «on se rend compte que l’impact n’est pas qu’académique». De telle sorte que lorsque les jeunes vont prendre des médicaments en dehors de l’année scolaire, cela peut entraîner une hausse des comprimés utilisés. De plus, parfois, les patients vont prendre deux médicaments différents : un à courte action et un à longue action pour traiter le même trouble, ce qui aurait pour effet de faire hausser les chiffres.

 

Ridha Joober, médecin psychiatre et chercheur à l’Institut Douglas, est également d’avis qu’il y a aujourd’hui une meilleure reconnaissance du TDAH et des problèmes qu’il peut engendrer. «Les personnes qui ont le trouble de déficit l’attention sont plus à risque de décrochage scolaire, d’avoir des accidents de voiture, d’être admis dans les urgences des hôpitaux pour des blessures», par exemple, énumère-t-il, rencontré à son bureau à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas.

 

«Est-ce que des fois on se trompe et on traite des gens qui n’en auraient pas besoin? Il faut quand même se poser la question», ajoute Mme Vincent. «Est-ce que notre rythme de vie actuellement, est-ce que le fait d’être bombardés d’informations, de stimuli fait en sorte que les gens qui ont un déficit d’attention ont plus de difficulté à vivre avec et iraient chercher plus facilement un traitement?», interroge la psychiatre. De plus, le fait de ne pas être assez actif physiquement pourrait aggraver la situation. «De ne pas bouger assez ou de faire trop d’écran, ça ne cause pas le déficit d’attention», insiste Mme Vincent, «mais ça va l’empirer».

Annick Vincent. Photo : Courtoisie de Annick Vincent.

Ridha Joober. Photo : Courtoisie de l'Institut Douglas. 

Une médication efficace rapidement

«L’attention est une fonction psychologique qui est absolument fondamentale pour notre fonctionnement de tous les jours», souligne Ridha Joober. «Être capable de faire un plan pour les prochaines minutes, heures, semaines, être capable d’exécuter ce plan de manière logique, ne pas oublier des éléments de ce plan (…),  sont des fonctions absolument fondamentales pour qu’on puisse fonctionner.» Les jeunes ayant un déficit d’attention ont de la difficulté à élaborer de tels plans et à les mettre en place : «c’est ce qu’on appelle un problème des fonctions exécutives». La difficulté à soutenir de l’attention sur une tâche particulière, les oublis fréquents, la procrastination sont des exemples de comportements observés. Quant à l’hyperactivité, elle peut se manifester par une difficulté à rester assis, par le fait d’interrompre souvent les autres, etc. Un élève qui a de tels comportements pourrait ainsi avoir des difficultés sur le plan scolaire.

Le traitement du TDAH n’est pas seulement pharmacologique. Les médicaments peuvent engendrer un changement au niveau du comportement. Mais parfois, il faut aussi intervenir directement au niveau des comportements problématiques. Ceci dit, l’effet des médicaments est très manifeste, explique le docteur Joober. «On le voit presque quasiment après avoir donné la médication.» Il faut dire que le TDAH est un trouble chronique, donc la médication se prend à long terme. Un enfant diagnostiqué au primaire, par exemple, la prendre durant toute la durée du primaire. À l’âge adulte, environ la moitié des personnes diagnostiqués durant la jeunesse auront toujours un trouble et la médication peut aider.

Existe-t-il un risque de développer une dépendance aux médicaments pour traiter le TDAH? M. Joober répond par la négative : «Il faut faire attention, il ne faut pas confondre dépendance et besoin de prendre la médication. La dépendance ce sont les médicaments qui vont être associés à un symptôme de sevrage important et ce sont les médicaments auxquels on va développer une tolérance, c’est-à-dire qu’on a besoin d’augmenter les doses pour avoir les mêmes effets». Certains médicaments psychotropes ont ces propriétés, comme les benzodiazépines, ajoute-t-il. Mais la «majorité des médicaments» prescrits en psychiatrie ne créent pas de dépendance, dit-il. Cela dit, plusieurs médicaments doivent être pris à long terme.

Le nombre d’adultes ayant une ordonnance pour des médicaments servant à traiter le TDAH a grimpé en flèche ces dernières années. À ce titre, en 2011, la RAMQ recensait environ 13 400 personnes âgées entre 18 et 54 ans. En cinq ans la proportion a triplé. Ainsi, en 2016, un peu plus de 39 300 adultes ayant entre 18 et 54 ans avaient une prescription. En ce qui a trait aux nouvelles ordonnances, la RAMQ en recensait environ 110 000 en 2011 et 380 000 en 2016, soit plus du triple. D’ailleurs, fait faillant : en 2016, on comptait légèrement plus d’adultes (18-54 ans) que de jeunes (0-17 ans) ayant une ordonnance.

 

Pour les personnes ayant 55 ans et plus, elles étaient environ 2 700 personnes à avoir une ordonnance en 2011, puis 5 000 en 2016; ce qui correspond à 80 % d’augmentation. En ce qui a trait aux services reliés à une nouvelle ordonnance, la RAMQ en dénombrait près de 30 000 en 2011 et plus de 67 000 en 2016, soit plus du double.

Selon le DSM-V, environ 2,5 % des adultes auraient un TDAH. Auparavant, le TDAH était associé aux enfants, explique Ridha Joober. Ce n’était pas reconnu comme un trouble existant chez l’adulte. De nos jours, parmi les personnes diagnostiquées à l’enfance, «il est très clair que 50 % des cas à peu près retiennent des symptômes de TDAH qui impactent de manière négative leur comportement». Les problèmes d’attention sont plus présents que l’hyperactivité à l’âge adulte. Puisque les adultes sont désormais diagnostiqués, les prescriptions sont en hausse dans cette partie de la population.

 

«Les symptômes ont tendance à changer cependant chez l’adulte atteint de TDAH», observe aussi  le neupsychologue Benoît Hammarrenger, dans un billet publié sur le site de l’Association québécoise de neuropsychologues. Chez l’adulte, par exemple, «l’hyperactivité motrice peut s’apaiser, et le besoin de bouger est souvent canalisé dans les sports ou au sein d’un travail actif, ou de projets stimulants qui se succèdent».

Mentionnez le TDAH et on l’en entend souvent parler du Ritalin. Certaines les manchettes mentionnent simplement cette marque commerciale du méthylphénidate. Or, il s’avère que c’est le Concerta, également un stimulant à base de méthylphénidate qui est désormais le plus prescrit au Québec, comme le révèlent les données de la RAMQ. Près de 23 000 individus avaient une ordonnance de Ritalin en 2016, contre plus de 29 000 ayant une ordonnance de Concerta.

 

La même année on comptait environ 185 000 services reliées à une nouvelle ordonnance ou à un renouvellement d’ordonnance pour le Concerta. Pour le Ritalin, ce nombre total de services exécdait 300 000 pour le Concerta. Au chapitre du montant de paiement de la RAMQ, il était de 1,9 million $ et de 20 millions $ pour, respectivement, le Ritalin et le Concerta.

La différence entre le Ritalin et le Concerta étant que le premier à une action courte (environ 3-4 heures) et que le second a une action longue (environ 8-12 heures). De telle sorte, qu’une personne peut prendre une seule pilule de Concerta plutôt que plusieurs pilules de Ritalin durant une même journée «Sa durée d'action est trop courte (3 heures), ce qui entraîne d'importantes fluctuations d'attention et d'auto-contrôle chez l'enfant», dit-on au sujet du Ritalin, sur le site web de la clinique CERC Montréal.

Y a-t-il un risque de dépendance aux médicaments pour le traitement du TDAH? Le psychiatre Ridha Joober répond à la question.
Le psychiatre Ridha Joober aborde les différentes manifestations du TDAH chez les filles et les garçons.

Les personnes de sexe masculin sont plus nombreuses à recevoir des ordonnances de médicaments pour le TDAH. En effet, selon les chiffres de la RAMQ, il y avait en 2016 plus d’un demi-million de services reliés à une nouvelle ordonnance chez les hommes, contre plus de 320 000 chez les femmes. Cet écart était aussi visible au niveau des personnes distinctes ayant une nouvelle ordonnance ou un renouvellement. On comptait environ 47 000 hommes et 35 000 femmes.

«De façon générale, on dit que chez les enfants qui ont un bon diagnostic de TDAH, la médication sera efficace dans une proportion de 70%. Il s'agit d'un taux d'efficacité suffisamment élevé pour se donner l'option d'en faire l'essai. Par contre, il faut se rappeler que chez 3 enfants sur 10, la médication sera soit inefficace, ou présentera trop d'effets secondaires par rapport aux bénéfices», indique la clinique CERC Montréal par l’entremise de son site Internet.

Photo : FreeImages

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