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 TENDANCE À LA HAUSSE POUR PLUSIEURS MÉDICAMENTS

Les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) indiquent une hausse des nouvelles ordonnances d’antidépresseurs, d’antipsychotiques et de médicaments pour traiter le TDAH. Inversement, les nouvelles ordonnances d’anxiolytiques sont en diminution.

 

Une question s'impose : la prévalence des troubles de santé mentale au sein de la population est-elle en augmentation? «Les enquêtes épidémiologiques, tant nationales qu’internationales, révèlent une augmenta­tion de la prévalence des troubles mentaux», indique un rapport du Commissaire à la santé et au bien-être. Cependant, on ne précise pas si tel est le cas au Québec aussi.

 

Un portrait de la santé mentale des Québécois publié par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) permettait de constater une diminution de la prévalence des épisodes dépressifs entre 2002 et 2012. Cependant, l’ISQ prenait soin de préciser plusieurs limites méthodologiques pouvant expliquer la baisse des prévalences.

Plus d'ordonnances d'antidépresseurs, d'antipsychotiques et de médicaments pour le TDAH

Au Québec, entre 2011 et 2016, les services reliés à une nouvelle ordonnance pour les médicaments utilisés dans le traitement du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ont crû de plus de 76 %. Si l’on considère les personnes distinctes ayant reçu des services reliés à une nouvelle ordonnance ou à un renouvellement d’ordonnance, la hausse est encore plus importante, soit de près de 112 % en cinq ans. Cela étant dit, le nombre de personnes ayant une prescription pour les médicaments pour le TDAH reste bien inférieur au nombre de personnes ayant une ordonnance pour des antidépresseurs ou des anxiolytiques.

 

En effet, parmi les personnes couvertes par le régime public d’assurance médicaments, environ 460 000 avaient une ordonnance pour des antidépresseurs et 495 000 en avaient une pour des anxiolytiques en 2016. À titre de comparaison, environ 82 000 personnes détenaient une ordonnance reliée aux médicaments pour le TDAH.

 

Alors que le nombre de personnes ayant une ordonnance pour les antidépresseurs est en hausse, avec une croissance de près de 27 % en cinq ans, les personnes distinctes ayant une ordonnance pour les anxiolytiques a diminué de 3,5 % durant la même période. La même tendance s’observe en ce qui a trait aux services reliés aux nouvelles ordonnances, avec une hausse de 23 % pour les antidépresseurs et une baisse de plus de 8 % pour les anxiolytiques.  

 

En 2016, au Québec, plus de 240 000 personnes distinctes avaient une ordonnance pour des antipsychotiques. Ce nombre a crû de 24 % en cinq ans. Quant aux nouvelles ordonnances, elles ont augmenté de près de 13 % durant cette période.

Attention : Les statistiques sur les médicaments remboursés par la Régie de l’assurance maladie du Québec concernent seulement les personnes couvertes par le régime public d’assurance médicaments, soit environ 44 % de la population québécoise.

 Des coûts qui augmentent avec à la hausse des prescriptions
Évolution des prescriptions selon les catégories d'âge
Rose-Marie Charest, psychologue et ex-présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, commente la hausse de certaines ordonnances pour des médicaments en santé mentale.

Il est intéressant de comparer l’évolution du nombre de personnes ayant une nouvelle ordonnance et/ou un renouvellement d’ordonnance parmi les différentes catégories d’âges. Par exemple, si le nombre de personnes prenant des médicaments pour traiter le TDAH a augmenté de plus de 75 % entre 2011 et 2015, cette hausse semble liée notamment à un nombre accru de prescriptions chez les adultes. Et ce, même si le TDAH est souvent associé aux jeunes dans l’imaginaire collectif. Ainsi, on constate que le nombre de personnes adultes (18-54 ans) ayant une ordonnance pour ces médicaments presque triplé, passant d’environ 13 400 individus à environ 39 300 individus. Pour les jeunes, l’augmentation est d’environ 25 %. Quant aux personnes de 55 ans et plus ayant une ordonnance, leur nombre a augmenté de 80 %.

 

Les personnes âgées de 55 ans et plus sont les plus nombreuses à avoir une ordonnance pour les antidépresseurs et les anxiolytiques. Comparativement aux individus âgés de 18 à 54 ans, elles sont près de deux fois plus nombreuses à prendre des antidépresseurs et quatre fois plus nombreuses à prendre des anxiolytiques. Concernant la prise d’antipsychotiques, les personnes ayant 55 ans ou plus sont aussi plus nombreuses que les adultes ayant moins de 55 ans. Aussi, le nombre de personnes de 55 ans et plus prenant des antipsychotiques ont augmenté de 34 % en cinq ans. Par ailleurs, on observe une hausse de 45 % du nombre de jeunes de moins de 18 ans ayant une ordonnance d’antidépresseurs.

Le Collège des médecins veut des réponses

Invité à réagir au sujet de la hausse des prescriptions de plusieurs médicaments reliés à la santé mentale, le Collège des médecins du Québec s’est dit interpellé par ce dossier. «Encore récemment, le Collège a réclamé au gouvernement le droit d’avoir accès au profil de prescriptions des médecins afin de remplir son mandat de protection du public», a indiqué par courriel Leslie Labranche, relationniste du CMQ.

 

En ce qui concerne le TDAH, des études sont en cours à l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux et devraient être publiées plus tard cette année (pour plus de détails, voir section «Médicaments pour le TDAH» du présent site web). Au Collège des médecins, on explique qu’après la publication dans les médias de plusieurs articles indiquant que le nombre de prescriptions de Ritalin était en hausse, une demande a été faite au gouvernement pour avoir accès au profil de prescriptions des médecins. «Le but était de faire une analyse globale de la situation pour vérifier si les médecins sont formés adéquatement sur le TDAH», explique Mme Labranche, précisant qu’il «n’a pas été encore possible pour le Collège d'obtenir ces données en raison de la Loi sur l’accès à l’information».

Ainsi, le mandat a été donné par Québec à l’INESSS «d’analyser si les médicaments sont utilisés de façon optimale au Québec» et cela inclut les neurostimulants. Entre autres, la recherche devrait permettre de dire s’il y a une hausse des prescriptions de Ritalin au Québec, de savoir quelles sont les doses prescrites et de connaître l’âge des patients qui reçoivent ces ordonnances (enfants ou adultes). La recherche devrait aussi informer sur qui signe les prescriptions (ex : médecin de famille ou spécialistes) et pour quelles conditions médicales.

Un enjeu qui soulève plusieurs questions

La hausse des ordonnances est un phénomène qui mérite d’être «étudié de près» parce que cela soulève des questions, selon Rose-Marie Charest, psychologue et ex-présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. «Est-ce qu’on a une hausse de ces médicaments pour les bonnes raisons?», interroge-t-elle. De bonnes raisons seraient que les professionnels de la santé font de meilleurs diagnostics, qu’il y a un meilleur dépistage et que plus de personnes sont traitées. Une mauvaise raison serait «qu’on donne des médicaments parce qu’on n’a pas d’autre chose à offrir». Par exemple, comme dans un cas où un patient n’aurait pas accès à la psychothérapie malgré son utilité. Une autre mauvaise raison pourrait être que l’on tolère moins les variations d’humeurs et de comportement chez les enfants.

 

Comme le souligne Mme Charest, elle n’est pas contre la médication et ajoute qu’il ne faudrait pas non plus être opposé aux traitements psychologiques. «On n’est pas en religion on est en science.» L’important, c’est de donner les soins et services qui aident le plus le patient «à long terme». Par exemple, donner un antidépresseur à une personne ayant des stratégies cognitives autodestructrices permettra de soulager la personne pendant qu’elle prend la médication. Cependant, si elle cesse la médication, les stratégies cognitives problématiques seront toujours là. Il ne faudrait «jamais substituer un service psychologique par une médication parce qu’on n’a pas les moyens», insiste celle qui a été à la barre de l’Ordre des psychologues pendant près d’une vingtaine d’années.

Rose-Marie Charest. Photo : Bruno Petrozza

Si l’on considère à la fois les services reliés à de nouvelles ordonnances et à des renouvellements d’ordonnances, leur nombre a augmenté pour les antidépresseurs, les anxiolytiques, les antipsychotiques et les médicaments pour le TDAH, entre 2011 et 2016. Les paiements de la RAMQ associés à ces médicaments ont aussi suivi une courbe montante, plus prononcée pour certains médicaments que d’autres. Les graphiques ci-dessous permettent d’illustrer l’augmentation des services et des coûts pour chaque type de médicament. Un constat intéressant : les paiements de la RAMQ ont dépassé 175 millions $ pour les antipsychotiques en 2016; et ce, pour 7,2 millions de services. Cette somme est plus élevée que les 92 millions $ déboursés pour 9,5 millions de services reliés aux ordonnances d’antidépresseurs.

Réaction du ministère de la Santé

La hausse des prescriptions de certains médicaments pour le santé mentale préoccupe-t-elle le ministère de la Santé? Voici la réponse envoyée via courriel par la relationniste Noémie Vanheuverzwijn : «L'INESSS se penche sur cette question dans le cas du TDAH. De façon générale, toutefois, il faut rappeler que l'incidence annuelle des personnes diagnostiquées est très inférieure à l'incidente réelle des troubles mentaux, dû notamment aux préjugés qui entourent la maladie mentale (certaines personnes hésitent ou tardent à consulter, par exemple). Plus l'incidence diagnostiquée se rapproche de l'incidence réelle, plus l'accès aux traitements pharmacologiques et thérapeutiques ira en s'accroissant.»

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