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AntiPsychotiques : prescriptions à la hausse pour ces médicaments dispendieux

Les médicaments antipsychotiques sont souvent associés au traitement de la schizophrénie et à d’autres troubles psychotiques. Cependant, ces pilules sont aussi prescrites pour une série d’autres troubles de santé mentale. Au Québec, le nombre de services reliés à des nouvelles  ordonnances d’antipsychotiques a augmenté de 12 % en cinq ans. Le nombre de personnes ayant une ordonnance a augmenté de 24 % durant cette même période. Quant aux coûts associés aux nouvelles prescriptions et aux renouvellements d’ordonnances, il sont passés de près de 151 millions $ en 2011, pour un total de 5,4 millions de services, à plus de 175 millions $ en 2016, pour un total de 7,2 millions de services, d’après les chiffres de la Régie d’assurance maladie du Québec. À titre de comparaison, en 2016, 9,5 millions de services pour les ordonnances d’antidépresseurs ont nécessité un paiement de 92 millions $ de la RAMQ.

Selon Ridha Joober, médecin psychiatre et chercheur à l’Institut Douglas, le terme «antipsychotique» est une «mauvaise appellation», puisque ces médicaments ne sont pas uniquement prescrits pour les troubles psychotiques. «On les utilise pour traiter les troubles psychotiques, les troubles de l’humeur, la maladie de Gilles de la Tourette, les dysfonctionnements émotionnels», par exemple. «Il y a beaucoup d’indications approuvées pour ces médicaments», ajoute-t-il.

 

«Dans la schizophrénie ou la psychose, la dopamine augmente, alors l’action la plus observée avec les antipsychotiques, c’est de diminuer le taux de dopamine», explique Hani Iskandar, médecin psychiatre et chef médical des soins intensifs à l’Institut Douglas.

 

À de différentes doses, les antipsychotiques peuvent traiter différents troubles, comme les troubles du sommeil, par exemple. «Selon la dose, ils ont une action différente.» S’il y a des effets secondaires associés à la prise d’antipsychotiques, ceux-ci sont connus assure le médecin. Il faut en tenir compte si l’on veut que le patient ne laisse pas tomber le traitement, qui peut-être à long terme.

 

La hausse des prescriptions pourraient s’expliquer par de nouvelles indications pour les antipsychotiques, commente M. Joober. Par exemple, ces médicaments sont efficaces pour agir sur les dépressions bipolaires, lesquelles étaient difficiles à traiter auparavant, illustre le psychiatre. Selon lui, il s’agit d’un développement positif pour les patients. «On avait beaucoup de mal à traiter les dépressions bipolaires. Les antidépresseurs ne les traitaient pas parce qu’ils augmentaient beaucoup le risque de rechute dans des états maniaques et ils peuvent également augmenter l’instabilité de la maladie.» En ce qui a trait aux coûts de ces médicaments, le médecin reconnaît qu’ils sont tout de même dispendieux. «On a des produits qui sont efficaces mais ce sont des produits qui sont aussi chers», dit-il.

Comprimé antipsychotique. Photo : Elsa Iskander

Utilisations diverses et inquiétudes

Pour sa part, Allen Frances, psychiatre et directeur de rédaction du DSM-IV, met en garde contre certaines utilisations des médicaments antipsychotiques, dans un ouvrage intitulé «Saving normal», qui se penche surtout sur la situation aux États-Unis. «Despite their dangerous side effects and narrow indications, they are being given out like candy», indique-t-il. Auparavant utilisés pour traiter la schizophrénie et le trouble bipolaire, ces médicaments sont désormais prescrits pour plusieurs troubles autres, comme la dépression, l’anxiété ou les troubles du sommeil. Selon l’auteur, les efforts marketing des compagnies pharmaceutiques sont en cause dans la prolifération des prescriptions de médicaments comme Seroquel ou Abilify. Les médicaments en santé mentale sont une manne financière pour les compagnies pharmaceutiques, souligne-t-il. Un article du New York Times, signé par Richard Friedman, souligne qu’en 2011, Seroquel, Abilify et d’autres médicaments antipsychotiques étaient prescrits à 3,1 millions d’Américains, à un coût de 18,2 milliards.

En consultant les données de la RAMQ sur les ordonnances d’antipsychotiques, on observe qu’en 2016, chez les 0-17 ans, il y avait deux fois plus de nouvelles prescriptions pour les garçons que pour les filles. Si l’on considère le nombre de personnes ayant reçu une nouvelle ordonnance ou un renouvellement d’ordonnance, le ratio est aussi d’environ deux garçons pour une fille. Si l’on retourne en arrière de cinq ans, trois fois plus de garçons que de filles avaient une ordonnances pour des antipsychotiques.

 

Chez les jeunes, les antipsychotiques ne sont pas nécessairement prescrits pour des troubles psychotiques, mais pour d’autres raisons, comme les troubles oppositionnels ou l’agressivité, par exemple, fait remarquer M. Joober. Si des antipsychotiques sont «utilisés pour traiter la psychose et la schizophrénie à ses débuts» chez les adolescents, les médecins aussi les prescrire «aux jeunes souffrant de troubles de l'humeur ou ayant des problèmes de comportement ou d'agressivité, liés au trouble sévère du déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH), au spectre de l'autisme ou à la toxicomanie, entre autres», explique également un article de Radio-Canada.

 

Ce même article indique qu’en 2015, plus de 5 000 Québécois de 12 à 18 ans avaient reçu une ordonnance d'antipsychotiques, contre près de 2 800 dix ans plus tôt, d’après les informations de la RAMQ. Des précisions sur la nature exacte des troubles pour lesquels ces ordonnances ont été délivrées n’étaient pas fournies. On apprenait aussi que les «psychiatres prescrivent et renouvellent la majorité des ordonnances d'antipsychotiques des Québécois de 12 à 18 ans».

Abilify : une marque d' antipsychotique. Photo : Elsa Iskander

Au Québec, Doris Provencher, directrice générale de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ), s’inquiète également de la prescription d’antipsychotiques pour un nombre croissant de troubles. Même si l’on prescrit du Seroquel à petites doses, comme somnifère par exemple, «ça demeure un antipsychotique, avec les effets secondaires d’un antipsychotique. Et les effets secondaires d’un antipsychotique, excusez-moi l’expression, mais ce n’est pas de la petite bière», lance-t-elle, évoquant par exemple la prise de poids. L’objectif de l’association qu’elle dirige est d’informer les personnes de façon à ce qu’ils puissent en discuter avec leur médecin et prendre une décision éclairée. Par ailleurs, la prescription d’antipsychotiques à des enfants en bas âge inquiète fortement la directrice de l’AGIDD-SMQ.

Doris Provencher. Photo : Elsa Iskander

Antipsychotiques chez les jeunes : quelles indications?
Étude de l'INESSS sur les Québécois de moins de 25 ans

D’après une étude de l’INESSS publiée en 2011, «en 2006, la prévalence totale d’usage d’antipsychotiques chez les moins de 25 ans était de 1,5 %». Aussi, «lorsque les utilisateurs d’antipsychotiques étaient classés de façon séquentielle selon cinq groupes de diagnostics mutuellement exclusifs, on obtenait 1 487 utilisateurs qui présentaient un diagnostic de schizophrénie, 1 030 de troubles mentaux organiques et non organiques, 996 de troubles envahissants du développement (TED), 1 586 de troubles du comportement perturbateur (TCP) et 2 129 de troubles de l’humeur».

 

Selon cette même étude, la prévalence générale d’usage d’antipsychotiques était de 0,8 %, dans la population âgée de 0-18 ans et les garçons les utilisent deux fois plus que les filles. «Dans le cas du traitement de la maladie mentale, les antipsychotiques constituent une médication usuelle chez les adultes. Chez les moins de 18 ans, l’usage de ces produits et en particulier des antipsychotiques atypiques a beaucoup augmenté au cours des dernières années, malgré le fait que les données probantes sur leur innocuité et leur efficacité chez cette population soient relativement limitées.»

 

Il existe plusieurs indications possibles pour les antipsychotiques chez les moins de 18 ans, dont «la schizophrénie infantile, l’autisme et les troubles envahissants du développement, les troubles psychotiques de causes variées, notamment la dépression majeure, les troubles bipolaires et les troubles d’usage de substances psychoactives, l’association des psychopathologies non psychotiques telles le TDAH et les tics ou le TDAH et le TOC ainsi que les symptômes spécifiques de certaines maladies comme l’agitation et l’agressivité dans le retard mental et dans les troubles d’usage de substances psychoactives».

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